Relevez le défi des Pierres de Coba

Dans la société maya, chacun doit jouer un rôle pour contribuer à l’équilibre vital : qu’il soit humain – chamane, paysan, voleuse ou reine – ou animal – tatou, jaguar, iguane ou abeille – il doit trouver sa place dans le monde créé par la X-tabay, la mère cosmique de tous. Mais les vivants sont désorientés et l’Humanité a perdu l’harmonie originelle. Etranger égaré dans le cénote, les aluxes s’apprêtent à te guider pour accomplir la mythique quête des pierres de Coba : si tu réussis, tu ramèneras l’équilibre dans la société.

1 joueur – Entre 5 et 30 minutes – A partir de 8 ans – Prix de vente conseillé 15 euros

Le jeu m’a été envoyé par OldChap Games.

Merci à eux pour leur confiance. Je voudrais adresser un remerciement tout particulier à Antonin Boccara pour le temps passé à répondre à mes questions sur le jeu et pour sa relecture, avec Michel Boccara, du « En dehors de la boîte ».

L’éditeur français, OldChap Games, est connu pour ses jeux d’ambiance frénétiques : il y a de folie dans l’air quand on place sur la table Gobbit ou Panic Island ! Ces jeux délurés et rapides déclenchent les fous rires et vous donnent envie d’enchaîner les parties entre amis pendant l’apéritif ou en fin de soirée (en prenant garde de ne rien renverser). En 2019, OldChap est revenu sur le devant de la scène ludique avec Fiesta de los muertos : derrière ses allures de jeu de « mots » plus posé, celui-ci est une petite bombe de jeu d’ambiance car chaque manche se termine invariablement en éclats de rire tant personne ne sait comment on en est arrivé aux propositions finales. Si vous jetez un œil au catalogue d’OldChap, vous aurez l’impression au premier regard que la ligne éditorial a maintenu son cap jusqu’au bout… Toutefois, observez-le de plus près car, au milieu des party games, vous pourriez tomber sur un Objet Ludique Non Identifié. Sorti en 2018, Par Odin est un jeu de casse-tête solo : dans cette petite boîte, 50 défis attendent les plus valeureux d’entre vous. En manipulant des dés de différentes valeurs, le jeu propose de constituer des camps équilibrés. Tout cela semble purement abstrait car très mécanique mais là où Par Odin s’illustre par son originalité, c’est qu’il annonce être évolutif et narratif. OldChap et l’auteur de Par Odin, Antonin Boccara, sortent de leur zone de confort pour vous inviter à la découverte de la mythologie viking tout en vous creusant les méninges… et ils ne se sont pas arrêtés là. Cet été, nous avons eu le plaisir d’apprendre la naissance du petit frère de Par Odin, Les Pierres de Coba, qui vient rejoindre la grande famille OldChap. Antonin Boccara a créé 50 nouvelles énigmes en s’inspirant cette fois du monde maya. Les lanceurs de défis ont-ils réussi le leur ?

Laissez-vous guider dans la découverte des secrets de Coba par les aluxes d’OldChap

Un petit bout de jungle yucatèque partout avec vous

Les Pierres de Coba, comme son prédécesseur Par Odin, tiennent dans une petite boîte carrée, un peu moins grande que la main d’un Homme. Sur le dessus de la boîte, l’illustration de Michel Verdu est une invitation au voyage : les feuilles encadrent le dessin, épousant le pourtour de la boîte et constituant une fenêtre sur le monde de Coba. Vous êtes ainsi bien placés dans la posture d’étrangers qui aperçoivent un paysage et des êtres inédits, et qui ont tout à découvrir. Les créatures représentées, les aluxes, petits lutins de la mythologie maya, vont vous guider dans votre aventure et vous interpellent déjà du regard. Les couleurs vives et l’esthétique un peu enfantine rappelant certains univers de bande-dessinée donnent un caractère joyeux à cette boîte au point qu’elle ne détonnera pas parmi les autres jeux d’OldChap pourtant plus orientés ambiance. Michel Verdu semble nous rappeler que même si les Pierres de Coba sont des casse-têtes, ceux-ci doivent avant tout rester un plaisir ! Les personnages assemblés autour des pierres indiquent déjà que le jeu, malgré la mention « 1 joueur » bien visible, se révèlera être un vrai jeu de société.

A l’intérieur de la boîte, vous découvrez le livret de règles constitué de 56 pages, du même format que la boîte, un lot de neuf dés et un marque-page. Ce dernier est une bonne idée car il sert à marquer votre progression dans le jeu tout en constituant un rappel des 12 faces de dés différentes que vous rencontrerez et leurs pouvoirs. Il est en plus lui-même un accessoire évolutif du jeu puisque vous pourrez y noter des indications précieuses pour poursuivre votre aventure plus loin. Les dés gravés sont à l’image de la boîte, très colorés : les 7 dés blancs représentent les personnages importants de la société maya et vous trouverez sur les 2 dés noirs des animaux emblématiques de leur culture. S’il faut bien dire que les dés, au vu de la mécanique du jeu, étaient dispensables, pouvant être remplacés par des cartes ou des jetons (même à la fin du jeu quand on essaie de résoudre des combinaisons aléatoires), leur présence est une belle idée. La manipulation fait en effet complètement partie du plaisir du jeu et je trouve que cela marche vraiment bien thématiquement : que ce soit dans les Pierres de Coba ou dans Par Odin, il est question de mythologie. Or, les dés nous rappellent l’importance de la fatalité, de l’idée de destin contrôlé par les dieux, présente dans beaucoup de croyances. Manipuler ces dés, c’est pour l’Homme prendre la main sur son destin et relever les défis des dieux, ce qui correspond à l’histoire des deux jeux.

Le découpage du jeu en 50 défis et la taille de la boîte en font un jeu de voyage, que vous pourrez emporter facilement avec vous (et pour les plus minimalistes d’entre vous, il est toujours possible de réduire l’encombrement en prenant seulement le livret et les dés). L’installation est instantanée : vous pourrez donc jouer vite sur le coin d’une table, où que vous soyez.

Un univers étendu

L’univers des Pierres de Coba ne s’arrête pas à sa petite boîte. C’est pour moi l’une des grandes qualités de la maison OldChap Games : leurs jeux sont pour l’instant peu nombreux mais l’éditeur propose toujours des contenus additionnels pour prolonger l’expérience de jeu… ou la devancer. Vous trouverez effectivement sur le site d’OldChap une démo en ligne vous permettant de tester les Pierres de Coba : vous ne réaliserez pas un ou deux défis mais huit et ceux-ci sont représentatifs de vos futures parties parce que la démo vous fera découvrir les six pouvoirs des pierres blanches, vous confrontera à un premier défi complexe avec celles-ci et vous montrera également l’action d’une pierre noire. L’initiative est excellente et honnête : elle peut certes pousser un joueur hésitant à l’achat de la boîte, mais peut-être que certains se contenteraient de cette mise en bouche sans aller au-delà. On sent qu’OldChap veut avant tout que le jeu satisfasse les acquéreurs en lui donnant toutes les clés en main pour savoir si le jeu est fait pour lui.

En plus de ce test, que vous ferez en amont du jeu en lui-même, Antonin Boccara et ses comparses d’OldChap vous ont concocté une surprise dont vous profiterez après avoir terminé les 50 défis. Le grand Kukulkan vous attend à une adresse indiquée sur le livret et donc « cachée » sur le site d’OldChap, pour vous récompenser de votre ténacité : vous ne savez pas ce qui vous attend et vous n’y arriverez qu’après avoir résolu quatre énigmes spéciales du jeu. Le mystère entretenu autour de ce prolongement ludique colle parfaitement à l’esprit des Pierres de Coba et la surprise est de taille puisque, sans trop vous en révéler, elle vous promet de nombreuses heures de jeu supplémentaires avec de nouvelles modalités.

Enfin, vous pourrez à la fin du jeu vous essayer à lancer les dés pour créer de nouvelles combinaisons et le site propose un outil permettant de calculer les réponses à ces défis uniques !

Les à-côtés sont donc très séduisants et témoignent de la volonté d’OldChap de faire vivre le jeu. Les contenus additionnels de Par Odin étaient encore plus nombreux… espérons qu’ils se développent encore pour les Pierres de Coba (oui, j’avoue, je rêve d’une chanson sur les Pierres !).

Une petite boîte ouverte sur le monde

Un jeu solo, de casse-têtes : il serait facile de proposer un jeu fonctionnant en vase clos, auto-centré. Au contraire, les Pierres de Coba est un jeu qui propose aussi une réflexion sur le monde et sur le jeu de société en général.

En jouant aux Pierres de Coba, j’ai remarqué et apprécié le travail sur les personnages permettant une représentativité des deux genres. Le jeu respecte une parfaite parité, que ce soit dans le choix des représentations des aluxes, puisqu’on alterne une figure féminine et une figure masculine, ou dans celui des personnages de la société maya : la potière, le paysan, le scribe, la voleuse, le chamane et la reine. Femmes et hommes sont présents et s’associent pour apparaître comme les « éléments fondamentaux » de la société maya. La plus puissante est la reine, ce qui permet en plus de renvoyer à la mère cosmique de la mythologie maya. On l’a déjà dit : le problème de l’égalité des genres est encore trop peu considéré dans le monde du jeu de société. OldChap nous montre que cela change et qu’il doit changer car en discutant avec Antonin Boccara, celui-ci m’a dit que c’était une vraie démarche de leur part. Alors que Par Odin ne comptait qu’une déesse, seul personnage féminin au milieu des hommes, l’équipe d’OldChap, avec le recul, a cherché à retravailler sur ce point-là pour les Pierres de Coba. Le thème maya se prêtait sans doute davantage à cette parité, puisqu’on peut prendre en compte le fait que la société viking soit aussi très fortement marquée par la virilité, mais l’effort est tout à fait louable.

Par ailleurs, la réussite de la démo en ligne m’a conduit à interroger Antonin Boccara sur un éventuel portage du jeu en application. Le jeu s’y prête en effet complètement : j’aurais envie de le sortir pour jouer cinq minutes en attendant un rendez-vous ou dans les transports et même si la boîte est très transportable, c’est quand même compliqué sans support pour se poser. En outre, cela permettrait de valider les réponses sans avoir à consulter les solutions (ce qui est le point faible du livret car en vérifiant la réponse à une énigme, on peut facilement apercevoir celle de la suivante). Pour l’instant, l’application n’est pas à l’ordre du jour : elle a été maintes fois envisagée mais pour l’auteur, rester en format physique est important idéologiquement. Même si l’on joue seul à Coba, on le fait dans un environnement, en ayant encore conscience de cet environnement et des gens autour de nous : au contraire, le téléphone nous absorbe complètement et le fait déjà beaucoup trop dans la vie quotidienne. Si je regrette l’absence d’application pour les raisons évoquées plus haut, je comprends la position de l’auteur et je ne peux que saluer cet engagement.

Décryptez le maya

Un jeu narratif ?

Le principal défi du jeu pour moi était de transcender l’expérience d’un jeu abstrait en l’associant à un récit. Y a-t-il vraiment une narration à laquelle on croit ? Celle-ci est en fait très diffuse puisqu’elle repose sur le passage dans quatre espaces successifs, vous rapprochant de plus en plus de la fin de la quête : vous passez du cénote dans lequel vous êtes coincé au début de l’aventure, à la jungle, puis au temple de Coba. Enfin, vous atteindrez les hauteurs du temple pour rétablir l’équilibre du monde et rencontrer Kukulcan, le grand serpent à plumes. Il y a bien une trame générale et un objectif scénarisés mais cela reste simple. Les défis ont été encadrés par un récit mais on n’oublie pas l’abstraction pour autant.

Une immersion dans la culture maya

Toutefois, le jeu fait honneur à sa thématique autrement. Plus qu’un jeu narratif, il est pour moi immersif car il vous plonge dans une atmosphère particulière en vous mettant au plus près de la culture maya. Je pensais trouver une histoire et finalement, je n’ai presque pas été déçue de ne pas l’avoir au sens où je l’entendais car j’ai été envoûtée par l’ambiance des Pierres de Coba.

Antonin Boccara, dont le père est chercheur au CNRS et travaille sur et avec les Mayas depuis 40 ans, a lui-même vécu quelques années au sein d’une communauté maya, dans le village de Tabi et le jeu reflète ses connaissances de la société maya. Outre sa propre expérience de vie aux contacts des populations, il s’est appuyé sur les ouvrages de Michel Boccara (qui figurent en bibliographie à la fin du livret – quel bonheur de voir des sources apparaître dans un jeu, pour qui s’intéresse au thème et à la validité des éléments culturels présentés dans le jeu !). Cette documentation a donné naissance aux nombreux textes qui prennent place dans le livret, introduisant un espace ou accompagnant chaque énigme. Ceux-ci apparaissent comme des citations et sont crédités : ils font entendre la voix des Mayas, nous font découvrir leur culture et portent en plus eux une poésie qui fait qu’on se laisse aller d’énigme en énigme, non seulement pour le défi logique, mais aussi pour continuer à lire ces mots.

On y croit, mais ces textes prennent encore une autre dimension quand on apprend leur histoire. Je pensais qu’ils provenaient de textes originaux mayas, dénichés dans les ouvrages de référence, mais il n’en est rien. Antonin Boccara a fourni un travail d’écriture très personnel puisqu’il a fait la somme de ses lectures pour les restituer, sous cette forme condensée, en composant lui-même les textes. De ce fait, l’attribution des fausses citations à des personnages n’est pas si évidente… Pour cela, l’auteur a à la fois invoqué des figures fondamentales de la culture maya, comme Chilam Balam, le prophète jaguar, à l’origine d’écrits yucatèques, et des « inconnus ». En effet, Antonin Boccara a profité de ce jeu pour rendre hommage à des gens rencontrés au Yucatan : les paroles des mayas sont donc parfois aussi portées par le chamane de Tabi ou par les voisins de la famille Boccara dans le village. Je trouve cette démarche touchante, d’autant qu’elle permet d’associer les mayas d’antan et ceux qui sont bien vivants aujourd’hui, insistant ainsi sur la résilience des populations mayas.

Antonin Boccara a par conséquent joué avec les époques et les mots : grâce à cette liberté, il enrichit d’ailleurs ses textes de références différentes, que vous vous amuserez à retrouver (une première piste : il y a du Shakespeare là-dedans !). Cependant, malgré cette licence, tout ce qui est écrit repose sur des données fiables et on en apprend donc beaucoup sur la culture maya : sur les figures importantes d’un village, le paysan par exemple, dont le dé représente un épi de maïs et un xul ; sur le monde animal et végétal ; sur le rapport des Hommes à la mort ; sur les « vencêtres » ; et même sur la langue maya, le souci du détail allant jusqu’à donner les traductions en maya des noms utilisés et à préciser leur prononciation.

En somme, le jeu est pour moi plus contemplatif que narratif et c’est ce qui permet de transmettre au mieux au joueur la thématique choisie.

Construire l’équilibre thématique

Il ne suffit pas de donner une profondeur thématique à un jeu : encore faut-il que le thème soit lié à la mécanique. Les Pierres de Coba transforment l’essai grâce à une structure générale des défis en adéquation avec les textes donnés. Même si Antonin Boccara a commencé par l’élaboration des énigmes, on sent que celles-ci ont ensuite été sélectionnées et agencées les unes par rapport aux autres en fonction du propos pour proposer des panoramas thématiques harmonieux. Lorsque vous réfléchirez à la résolution de votre défi, vous oublierez sans doute les personnages qui interviennent grâce aux dés mais vous pourrez noter, surtout dans les trois premiers espaces traversés, que les dés coïncident en partie avec le texte placé en-dessous. Ainsi, dans le cénote, les textes que vous lirez seront liés aux personnages présents sur les dés blancs et l’introduction de l’un d’eux sera associée à une série de « citations » sur celui-ci. Un fonctionnement analogue se retrouve dans le temple de Coba avec la découverte des animaux où l’ensemble des textes sur le scorpion ou sur le cerf vous convaincra que ces espèces n’ont pas été choisies au hasard mais pour leur importance dans la culture maya. Ces correspondances tendent à s’effacer vers la fin de l’aventure devant les défis les plus complexes mais on a le sentiment d’avoir suivi une progression et les textes gardent au moins une cohérence thématique forte pour un « endroit » du jeu, même quand il est difficile de les rattacher aux dés.

Saurez-vous rétablir l’équilibre du monde ?

Mais au fait, comment on joue ? Cliquez pour découvrir la règle.

Dans les Pierres de Coba, vous disposerez de plusieurs dés, de différentes valeurs : pour rétablir l’équilibre d’un monde en plein chaos, vous devrez disposer les dés dans deux camps de telle sorte que le total des valeurs de chacun des groupes soit égal.

Simple ? Oui, mais les valeurs des dés peuvent être absolues comme relatives et chaque valeur peut être impactée par le pouvoir d’un autre dé. Voici donc la liste des différents pouvoirs et valeurs des dés blancs :

  • La potière a une valeur de 1
  • Le paysan a une valeur de 2
  • Le scribe a une valeur de 1 si le total de pierres blanches, lui inclus, dans son groupe est impair, de 2 si le total est pair.
  • La voleuse a une valeur de -1
  • La valeur du chamane est égale au nombre de pierres blanches dans l’autre groupe. La reine vaut 3. Elle ramène à 0 toutes les pierres blanches de la valeur la plus faible de son groupe en dehors d’elle-même.

A ces six personnages présents sur les dés blancs, s’ajoutent six animaux présents sur les dés noirs. Le pouvoir des dés noirs s’applique toujours après le calcul des valeurs des dés blancs.

  • Le tatou se place dans le groupe avec le moins de pierres blanches et augmente la force de chacune de ces pierres de 1.
  • Le cerf se place dans le groupe avec le plus de pierres blanches et diminue leur force de 1.
  • L’iguane peut être placé dans n’importe quel groupe. Il agit sur chaque pierre blanche unique de son groupe et augmente leur force de 1.
  • Le scorpion peut être placé dans n’importe quel groupe. Il agit sur chaque pierre blanche unique de ce groupe et réduit leur force de 2.
  • Le jaguar peut être placé dans n’importe quel groupe. Il agit sur la pierre blanche la plus faible de ce groupe : celle-ci prend alors la valeur de la pierre blanche la plus forte du groupe.
  • L’abeille peut être placée dans n’importe quel groupe. Elle agit sur la pierre blanche la plus forte du groupe : celle-ci prend la valeur de la pierre blanche la plus faible du groupe.

Au cours de vos défis, vous devrez parfois franchir des portes qui impliqueront d’autres façons de rétablir l’équilibre. Bonne chance !

Des défis évolutifs et équilibrés

Les 50 défis du jeu proposent une montée en puissance et en difficulté progressive et bien amenée. Les Pierres de Coba, en s’inspirant du fonctionnement des jeux vidéos, accompagnent le joueur dans sa découverte avec des défis tutoriels. Commencer à jouer ne nécessite donc aucune préparation puisque, tel les aluxes de l’histoire racontée dans le jeu, l’auteur vous prend par la main et vous guide dans la réalisation des défis. Vous serez d’abord confrontés à deux types de dés pour un défi extrêmement simple puis les autres faces de dés apparaîtront petit à petit. Il vous faudra résoudre 15 défis avant d’intégrer les dés noirs, plus difficiles, et ce n’est qu’à la trente-quatrième énigme que vous utiliserez tous les dés. La difficulté est ainsi bien dosée, surtout que le nombre d’énigmes associées à la découverte d’une face dépend de la complexité de celle-ci. Vous mettrez peut-être un peu de temps à résoudre les premiers défis : le niveau attendu en fin de course est élevé pour plus de challenge. D’ailleurs, le jeu indique un âge minimum de huit ans; les premiers niveaux doivent être accessibles mais je pense que les niveaux les plus complexes nécessitent un accompagnement.

Petit détail technique : attention au pouvoir du scribe, qui souffre d’un manque de clarté car le livret oublie de préciser que, comme toutes les pierres blanches, il ne prend en compte que celles-ci et non les noires dans le compte qu’il effectue : une petite phrase générale vous le rappellera quand vous passerez aux pierres noires mais comme elle ne concerne pas exclusivement le scribe, vous pourriez passer à côté et comme moi, vous en rendre compte uniquement à cause de décalages entre vos solutions et celles du jeu.

Les mayas, spécialistes en mathématiques ?

Que les allergiques aux mathématiques se rassurent ! C’est vrai qu’en regardant les défis des Pierres de Coba, et le principe même du jeu, on peut se dire que tout va être calcul. Toutefois, les calculs en eux-mêmes sont très simples : trouver la solution est plus ardu. Les experts en algèbre sauraient peut-être utiliser une formule pour résoudre les défis mais la part très importante de dés fonctionnant sur l’interaction et ayant une valeur relative empêche, je pense, de tout parier sur l’arithmétique. Le jeu repose plutôt sur la logique et surtout sur les manipulations des dés. Celles-ci sont un soutien à la résolution des énigmes car c’est en déplaçant les dés que la solution parfois non envisagée s’imposera à vous.

Il faut faire preuve de patience et de ténacité devant certains défis et je pense que pour cette raison, le jeu n’est pas pour tout le monde : il ne faut pas chercher à avaler les défis d’une traite car ceux-ci ne se laisseront pas faire ! Laisser reposer un défi sur lequel on bute règle souvent le problème car on l’aborde ensuite avec un œil plus frais. Les amateurs de jeux de logique et de réflexion seront comblés.

Par Odin et les Pierres de Coba : des jumeaux ?

Pour ceux qui possèdent déjà Par Odin, la question se pose : les Pierres de Coba renouvellent certes le thème mais est-ce aussi le cas de l’expérience ludique ? Mécaniquement parlant, le petit frère reste dans la même veine que son aîné mais les pouvoirs ont pour la plupart été revus pour vous amener à réfléchir différemment. D’autre part, pour ceux qui ont fini Par Odin et sont en quête de nouveaux défis, j’aurais tendance à penser que les Pierres de Coba sont un peu plus complexes : deux dés seulement présentent des valeurs fixes contre trois dans la version viking et les interactions limitées aux pierres uniques corsent le tout.

Cependant, l’innovation principale des Pierres de Coba est la conception de défis, « les portes ». A la fin de chaque zone, à la manière d’un boss de jeu vidéo, vous affronterez une nouvelle énigme aux modalités différentes de celles auxquelles vous êtes habitués. En effet, vous n’aurez plus à répartir un ensemble de pierres en deux groupes de valeur égale : vous aurez par exemple à trouver la pierre manquante dans des ensembles déjà constitués. Cette mécanique est originale et apporte de la variété au jeu en changeant notre rapport aux pierres : vous trouverez quatre portes dans le livret et j’en aurais vraiment voulu plus. On se prend à rêver d’un jeu de la même gamme multipliant les exercices différents à partir de cette base.

Si vous avez aimé Par Odin, je ne peux que vous conseiller de vous laisser tenter par les Pierres de Coba : vous aurez de nouvelles énigmes mais vous acquérez en fait deux jeux en un car, après votre aventure mexicaine, les plus mordus d’entre vous pourront essayer de mixer les dés des deux jeux !

Un jeu solo ?

Les caractéristiques du jeu indiquent qu’il est conçu pour un joueur. Toutefois, si l’expérience multi est pour vous fondamentale et si vous rêvez de défier vos amis sur des casse-têtes, les Pierres de Coba vous le proposent. Après avoir réussi tous les défis, le jeu vous invite à jouer avec des compositions aléatoires obtenues à partir de lancer de dés, à vous y frotter seul… ou face à des adversaires. Ce dernier mode de jeu consiste à trouver la solution d’équilibrage avant les autres ou à indiquer qu’il n’existe aucune solution, et fait encore monter d’un cran la difficulté car la manipulation n’est dès lors plus que mentale : plus personne ne touche aux dés !

Si ce mode peut être intéressant, je pense que le jeu, même dans sa version de base, ne condamne pas à la solitude ! Pour peu que vous soyez « partageurs », les défis deviennent volontiers coopératifs et les gens, en vous regardant toucher, déplacer, replacer ces dés étranges, ont envie d’essayer à leur tour. On en a fait l’expérience à la maison quand, m’entendant pester contre une énigme qui résistait et pour laquelle je retombais sans cesse dans les mêmes combinaisons, ma moitié a tenté sa chance. Le dialogue se noue alors autour du jeu, sur ce qu’on a essayé, sur ce que l’autre n’a pas vu : on explique comment ça marche et les cerveaux s’associent pour trouver une issue.

Conclusion

Les Pierres de Coba est un petit jeu solo surprenant, qui cache une vraie profondeur thématique derrière une mécanique de jeu de logique. Les amateurs de jeux abstraits et d’énigmes se régaleront mais ils pourront en plus être surpris par la richesse des textes et par l’ambiance créée par l’auteur. Je ne suis familière ni du solo ni des jeux de logique, c’est pourquoi j’étais curieuse de découvrir les Pierres de Coba et j’ai été séduite parce que le jeu n’est pas une suite de casse-têtes déconnectés les uns des autres : Antonin Boccara a su tirer un fil culturellement passionnant et donner du sens à la mécanique.

En dehors de la boîte : Sur les traces des Mayas

Au cœur de la péninsule du Yucatan, les ruines de de Coba ne permettent que d’imaginer l’ampleur de la ville à son heure de gloire : le site, en partie excavé seulement, laisse apercevoir des temples, des résidences, des terrains de jeux de pelote… Mais l’œil est immédiatement attiré par l’impressionnant Nohoch Mul, « le Grand Monticule », une pyramide de 42 mètres de haut, l’une des plus imposantes de la culture maya, celle-là même qui est représentée sur la boîte des Pierres de Coba. En gravissant les 120 marches qui mènent au sommet et au temple post-classique qui s’y trouve, le regard se porte sur l’immensité de la jungle environnante et sur les deux lagunes grâce auxquelles Coba a pu prospérer. Qui n’aurait pas alors l’impression de fouler un sol magique portant en lui les mystères d’une civilisation disparue ?

Il est vrai que les images de Coba, ou encore d’autres grands sites mayas comme Chichén Itza, ont tout de romantique : les pierres recouvertes par la nature luxuriante, les ruines se dressant au milieu des yaxches au tronc épais, semblent être les derniers vestiges d’un passé insaisissable. Toutefois, les traces des mayas sont toutes fraîches car la société maya est encore bien vivante : sur le territoire de leurs « vencêtres », vivent entre 8 et 10 millions de mayas. Cet ancrage géographique a permis à la culture maya de perdurer.

On a souvent une représentation caricaturale et erronée des populations indigènes – comme s’il était du reste possible de considérer les différents peuples autochtones, d’où qu’ils soient, comme un ensemble homogène – c’est pourquoi la première chose à dire, je pense, est que les mayas forment une société, constituée de communautés parfois dissemblables, et non une ou un ensemble de tribus. Celle-ci vit avec le monde, a évolué avec le reste des populations locales et notamment les populations hispaniques installées au XVIème siècle, s’adaptant tout en entretenant leurs traditions.

Alors que la colonisation des Amériques s’est souvent soldée par une acculturation forcée des peuples vaincus qui ont adopté les us des conquérants ou par un quasi-anéantissement de certaines cultures qui avaient refusé de se soumettre, les Mayas ont trouvé une voie intermédiaire et fidèle à leurs origines et à leur conception du monde. Le métissage des Mayas n’étonne pas lorsqu’on s’intéresse aux mythes et à la langue maya.

Au Mexique, les mayas yucatèques se font en effet appeler « Métis », « Xaak’ » en maya, ce qui désigne un mélange traditionnel de graines et épices. Mais la langue maya est mystérieuse, pleine d’ambivalences, et « Xaak’ » désigne également une action créatrice car c’est aussi un mélange de matières utilisés pour la poterie et notamment pour réaliser les aluxes, poupées de petits lutins destinées à prendre vie. Enfin, le « Xaak’ » est le mélange de semences pour la milpa, le jardin de maïs traditionnel : les graines de maïs, de haricots et de courges poussent en symbiose et chaque plante, tout en gardant son intégrité, se développe en harmonie avec les autres. Le mélange est donc source de vie chez les mayas et cela se retrouve dans leur cosmogonie : pour eux, à l’origine du monde, le boa Ochkan, cordon ombilical de la mère cosmique Ix Bak, représente déjà le métissage puisque la figure de la mère se mêle à celle de deux jumeaux qui sont les deux extrémités du serpent.

La société maya, aujourd’hui, est un mélange : elle vit dans le monde moderne, occidentalisée, tout en entretenant ses traditions. Les yucatèques sont encore nombreux à parler le maya, mais ils s’expriment également en espagnol. Les mayas se rendent à la ville pour travailler mais rentrent au village pour cultiver leur milpa, avec leur xul, simple bâton ferré. Les huttes traditionnelles sont maintenant reliées à la route, équipées d’appareils électroménagers, et côtoient de plus en plus de maisons en béton. La religion cimente les communautés mais elle mêle les mythes mayas traditionnels, les rituels naturels comme celui de la pluie en l’honneur du dieu Chaak, et le catholicisme : la figure de la Vierge Marie est aussi celle de la X-tabay, la mère cosmique. Les mayas ont su prendre la culture de l’autre sans pour autant renier la leur, et s’adapter.

Et ils continuent à le faire. La culture métisse va de pair avec le changement. Les chamans mayas, les « ways » sont pour eux des « changeurs », capables de prendre d’autres formes, animales, végétales, minérales. De la même manière, la société maya toute entière est en perpétuelle évolution et les communautés changent, au fur et à mesure des années, et en fonction des réalités locales : les tendances à Nunkini, ville des hommes-ours, ne sont pas les mêmes que celles de Tabi, qui a vu se multiplier dans les dernières décennies les groupes religieux.

Dès lors, peut-on vraiment parler de la civilisation maya à la lumière des vestiges archéologiques, reflets d’une époque fascinante, certes, mais ancienne et méconnue, la plupart des textes mayas ayant été brûlée au cours de la conquête ? Si l’Histoire des populations mayas est sans aucun doute à explorer, étudier les Mayas d’aujourd’hui, c’est se souvenir que la mémoire est autant dans les Hommes que dans les pierres et que l’histoire de leur société s’écrit encore maintenant.

Sources et sites consultés pour cet article :

Site d’OldChap Games :
http://oldchap.games/fr/
Pour le « En dehors de la boîte » :
Page wikipedia de Coba :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cob%C3%A1
Articles de Michel Boccara :
https://www.liberation.fr/sciences/1998/02/24/michel-boccara-ethnologue-vit-a-mi-temps-dans-le-yucatan-avec-les-mayas-du-xxe-siecle-ils-plantent-d_228072
http://ketzalcalli.com/pdfs/Ketzi2008_2_Articulos/Ketzalcalli-2008-2_Boccara.pdf
Site de Michel Boccara (notamment les films et les articles sur la culture métis) :
https://www.mayaboccara.com/

Merci de m’avoir lue, j’espère que cet article vous aura plu. Etes-vous tentés par Les Pierres de Coba et avez-vous testé le grand-frère Par Odin ? Aimez-vous ce type de jeux ? Rendez-vous en commentaire pour en discuter ou sur les réseaux sociaux Facebook et Instagram !

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